Mutations sociétales et technologiques à la base d’un fort besoin en main-d’œuvre dans l’Artisanat
L’étude représentative publiée par la Chambre des Métiers met en exergue le besoin structurel en main-d’œuvre, un des défis stratégiques majeurs dans les années à venir. Le développement des compétences des salariés – via la formation continue – s’avère être un domaine à promouvoir davantage auprès des micro- et petites entreprises artisanales. Alors que l’attraction de talents nouveaux est au centre des débats, des mesures de rétention et de fidélisation des salariés occupent une place prépondérante au niveau des stratégies des ressources humaines des PME.
70% des entreprises artisanales indiquent avoir un besoin en main-d'œuvre
L’étude réalisée estime le besoin en main-d’œuvre dans l’Artisanat à environ 3.800 personnes (+20% par rapport à 2019). 43% des postes recherchés remplaceraient des postes existants tandis que 57% viseraient la création de nouveaux postes.
Le DAP (Diplôme d’Aptitude Professionnelle) reste, globalement, la formation-clé recherchée par les entreprises de l’Artisanat, ce qui souligne l’attachement du secteur à l’apprentissage. Ainsi, par rapport aux postes qualifiés, 44% des salariés recherchés devraient faire preuve d’une qualification DAP et 23% des salariés devraient être détenteur d’un certificat de niveau CCP (Certificat de Capacité Professionnelle). 15% des salariés devraient disposer d’un diplôme de technicien ou diplôme de fin d’études secondaires (techniques), 10% un Brevet de Maîtrise ou BTS et 8% un Bac+3 ou Bac+5 respectivement. Le besoin continue de salariés non-qualifiés (27% des postes recherchés totaux) témoigne de la pénurie des ressources humaines surtout au niveau technique.
Vu l’importance grandissante de la transition énergétique, une évaluation ciblée du cluster « installations techniques du bâtiment » fait ressortir une demande considérable de personnes (estimée à environ 1.700 salariés) à terme. Comme, toutefois, tous les secteurs (industrie, fonction publique, etc.) présentent des besoins ciblés en main-d’œuvre qualifiée et entrent dès lors en concurrence avec l’Artisanat, la pénurie de la main-d’œuvre qualifiée s’intensifie dans tous les secteurs (hausse de l’emploi 2019-2022 dans l’administration et les autres services publics de +15,2% face à +10,9% dans la construction).
La Chambre des Métiers demande que le Gouvernement fasse un suivi détaillé des besoins sectoriels en main-d’œuvre ainsi que des métiers d’avenir dans le cadre de sa future « National Skills Strategy », suite à la publication prochaine de l’étude OCDE sur le sujet. Vu l’importance du réservoir de main-d’œuvre qualifié en provenance de pays tiers, une réforme des conditions d’accès au marché de l’emploi pour ressortissants de pays tiers s’impose avec à la base une abolition du « test marché » et une accélération de la procédure d’immigration, accompagnée d’une promotion sectorielle du marché de l’emploi luxembourgeois dans des pays/régions cibles.
Combler l’inadéquation des compétences par la formation continue
Vu l’inadéquation récurrente entre compétences existantes et requises au vue des transitions en cours, 53% des entreprises artisanales disent avoir proposé pendant les 3 dernières années à leur personnel un perfectionnement ciblé par le biais de formations continues. A cause de la crise sanitaire en 2020-2021, le nombre d’entreprise investissant dans la formation était plus limité. Les entreprises organisent les formations continues pour leurs salariés en externe (45%), en interne (17%) ou alors par une formule mixte interne/externe (38%). Les micro-entreprises (0 à 9 salariés) et les petites entreprises (10 à 49 salariés) recourent le moins à un cofinancement étatique de leurs investissements en formation continue (14% resp. 41%), cofinancement duquel bénéficient en général un peu plus qu’un tiers des entreprises artisanales.
Promouvoir les instruments existants suite à leur évaluation
Aux yeux de la Chambre des Métiers, la promotion des instruments existants (suite à une évaluation voire réforme partielle de ces derniers (dans le cadre de la future stratégie nationale des compétences) constitue une priorité. Vu que l’accès collectif via le cofinancement des entreprises reste encore relativement peu connu (17% des entreprises artisanales présentent un besoin aigu d’information et seulement 19% des entreprises disposent d’un « plan de formation »), un travail important de sensibilisation et d’accompagnement individuel surtout au niveau de petites entreprises sur ce sujet reste à faire. L’accès individuel régis par le « congé individuel de formation » (CIF) constituant de facto un droit pour le salarié – étant donné que le patron ne peut pas s’opposer au congé et peut le différer une seule fois (en cas de préjudice e.a. au bon fonctionnement de l’entreprise) – la Chambre des Métiers est, le cas échéant, en faveur d’un ajustement partiel de cet instrument après une analyse détaillée. Elle s’exprime dès lors contre l’introduction d’un droit généralisé à la formation voire d’un système de comptes personnels de formation calqué sur le modèle français fortement critiqué. L’Artisanat est d’avis que des solutions adaptées en matière de systèmes de formations continues sont à trouver au niveau sectoriel.
Soutenir une approche pérenne d’anticipation des besoins en formation
A l’avenir, il importera de suivre et d’identifier les compétences-clés requises dans les métiers artisanaux, avec une priorité à donner au domaine technique (y compris le volet énergétique) (81% des entreprises enquêtées), sécurité et santé au travail (47%), langues (29%) et la digitalisation et développement informatique (26%). Cette approche aidera dans la définition de programmes de formation professionnelle initiale et continue.
L’Artisanat plaide par ailleurs en faveur d’un renforcement du cofinancement tout en redéfinissant les critères d’éligibilité (cofinancement accru pour les PME et certaines formations cibles « digitalisation » et « RSE », prise en considération des « plans de formation » et des « plans de carrières », ouverture aux indépendants, exonération fiscale des aides, etc.) et en accélérant la digitalisation de la demande de cofinancement.
Le bien-être sur le lieu du travail et la rémunération comme moyens de rétention et de fidélisation principaux
La fidélisation des salariés est un facteur-clé en vue de la pérennisation des entreprises artisanales, notamment dans le contexte actuel de pénurie de la main-d’œuvre qualifiée. L'objectif de retenir les talents au sein de l’entreprise passe avant tout par l’environnement de travail (68%), cité en premier lieu, ainsi que par les conditions de travail, à savoir la rémunération basée sur la performance (48%) et supérieure par rapport aux concurrents (46%) tout comme les avantages extra-légaux (41%). L’adoption de méthodes de travail plus flexibles (37%), le développement personnel (32%) et l’image de marque (30%) se situent quasi au même niveau d’importance.
On peut en déduire que les entreprises de l’Artisanat prennent de plus en plus conscience de l’importance d’une véritable politique de rétention et/ou de fidélisation des talents pour assurer une pérennisation de leurs activités. Avec une majorité d’entreprises offrant des avantages à leurs salariés, la déclinaison de stratégies permettant d’assurer que les salariés restent motivés et bien intégrés au sein de l’entreprise, voire du secteur artisanal, doit être un axe de sensibilisation accrue dans l’Artisanat.
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