Le droit de la concurrence, garant d’une concurrence saine et loyale, est un élément crucial pour tous les marchés et tous les secteurs économiques. Et l’Autorité de la Concurrence est dans son rôle en effectuant des enquêtes sectorielles.
Après analyse des résultats de l'enquête sectorielle publiée par l'Autorité de la Concurrence sur le secteur immobilier résidentiel en juillet 2023, la Chambre des Métiers se doit toutefois de prendre position pour objectiver respectivement modérer l’analyse faite par l’Autorité de la Concurrence, et ce plus particulièrement par rapport au secteur de la construction immobilière.
Dans son enquête sectorielle publiée en juillet 2023, l’Autorité de la Concurrence émet les propos se résumant comme suit :
- le domaine de la construction est l’un des secteurs où le coût moyen par heure travaillée est le plus faible dans le pays;
- le taux de croissance du coût moyen par heure travaillée dans le secteur de la construction est en dessous de la moyenne tous secteurs confondus ;
- le salaire horaire moyen dans le domaine de la construction est plus élevé dans les trois pays voisins ;
pour conclure que :
- la stabilisation du coût de la main-d’oeuvre est à mettre en relation avec l’augmentation croissante du prix des logements ;
- le gain, approprié par les promoteurs, a augmenté de manière exponentielle, et qu’il s’est répercuté sur les coûts des logements, sans revenir à la main d’oeuvre ;
- du point de vue du droit de la concurrence, la question est de savoir si ce phénomène résulte d’une concertation illicite entre les grands acteurs du secteur, qui se seraient entendus pour maintenir de bas salaires et rendre l’embauche moins attractive. Une telle concertation serait susceptible de diminuer les capacités de construction de ces acteurs et de réduire par voie de conséquence le nombre de nouveaux logements construits (effet volume négatif) tout en augmentant le prix de vente des logements (effet prix positif) et les marges des employeurs.
Or, confrontée à de tels propos, la Chambre des Métiers se voit amenée de pondérer certains points d’analyse de l’Autorité de la Concurrence notamment au niveau de la distinction entre les différentes activités du secteur immobilier et de la fixation des salaires du sous-secteur de la construction :
- L’Autorité de la Concurrence fait malheureusement une confusion en mettant en relation les marges des promoteurs immobiliers et les salaires du secteur de la construction dans sa globalité, alors que les modèles d’affaires des uns et des autres sont très divergents.
- Or, les entreprises de la construction, en tant que secteur à part de la promotion immobilière, ne connaissent pas le même niveau de rentabilité que les promoteurs et ne peuvent pas tirer de profit linéairement de l’augmentation croissante du prix du logement. En considérant le maintien d’une marge constante relativement modeste, les entreprises de construction de bâtiments résidentiels n’ont dès lors aucun intérêt à diminuer leur capacité de production, mais bien au contraire d’augmenter leur volume de production et de construire autant de logements que possible. Les données statistiques montrent par ailleurs très clairement que les prix des logements ont largement été tirés vers le haut par la hausse très importante des prix du foncier, alors que les coûts de construction (cf. indice des prix à la construction) ont à peu près suivi l’évolution de l’indice des prix à la consommation. Une analyse plus poussée aurait donc dû mener à la conclusion que ce ne sont pas les entreprises artisanales qui ont profité de cette évolution.
- L’Autorité de la Concurrence omet également que la fixation des salaires est régie par les règles du marché du travail et que les salaires fluctuent sur base de l’évolution de la productivité du travail, tandis que les prix du logement sont régis par la loi de l’offre et de la demande sur le marché du logement. La Chambre des Métiers propose ainsi une analyse séparée des deux marchés.
- Le secteur de la construction reste un secteur très compétitif avec plus de 4.000 entreprises résidentes et un nombre équivalent de prestataires de services étrangers. Le secteur arrive à conserver sa compétitivité face aux pays limitrophes en offrant le salaire brut moyen le plus élevé. Par ailleurs, les salariés des entreprises luxembourgeoises bénéficient d’une imposition plus attractive du salaire brut ainsi que du système de sécurité sociale avantageux luxembourgeois, largement fiscalisé.
- On est également en droit de se demander comment plus de 4.000 entreprises puissent se concerter en ce qui concerne les salaires qui en outre dépendent d’une multitude de facteurs, comme l’activité artisanale en cause (productivité divergente car intensité en main-d’oeuvre différente), de même que l’âge, l’ancienneté / l’expérience et le niveau de qualification des collaborateurs.
- La pénurie de main-d’oeuvre existant dans le secteur de la construction doit être mise en lien avec la concurrence accrue du secteur public, non soumis à la concurrence et financé à travers les deniers publics. Par ailleurs, ce n’est pas un phénomène qui se limite au secteur de la construction. En effet, tous les secteurs accusent actuellement une pénurie de main-d’oeuvre qualifiée. L’Autorité note en citant le STATEC dans ce contexte qu’il existe une augmentation de presque 11% de création d’emplois dans le domaine de la construction, soit presque 4 points de pourcentage de plus que dans le secteur privé en général.